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Et quand, au-delà du réel, le néant devînt votre terre, l'éternelle loi fut mille fois murmurée : Méfiez-vous des cercles bleus...
 
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 La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne]

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Lluìev Khridd

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MessageSujet: La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne]   La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne] Icon_minitimeMar 3 Nov - 12:40

La nuit est noire. Opaque. Dense. Une chape de ténèbres pesant sur Adalêgmor, un serpent d'obscurité s'insinuant dans les tortueuses rues de la cité.
Peau immaculée, cheveux d'ébène, une jeune femme sort d'une ruelle dans l'Allée des Ombres, où de nombreux passants sont encore présents. Lluìev a mal, mais un sourire étire ses lèvres.
Cette nuit sera sienne. Cette nuit, elle n'a plus peur, n'est plus désespérée, n'a plus à supporter le lourd poids sur ses épaules. Elle se sent, au contraire, libérée, et capable de tout.
Elle marche sur les pavés de pierre noire, s'affichant pleinement, n'hésitant pas à dévisager ceux qu'elle croise de ses yeux vairons et sans pupilles, l'un blanc l'autre noir ; et sourit de plus belle lorsqu'elle en voit se retourner sur son passage, une expression de crainte sur le visage.
Cette nuit sera sienne.

♦️ ♦️ ♦️


La nuit était bien avancée, et Lluìev sentait la douleur s'accroître dans ses veines. Son sourire se tordait à demi en un rictus de souffrance.
Elle avait soif.
Au détour d'une rue, dans un cul-de-sac désert, elle vit une jeune Nocsys sortir d'une maison en claquant la porte pour on ne savait quelque raison. La proie idéale...
Lluìev se jeta sur elle. La jeune fille n'eut pas le temps de pousser un cri, elle mourut aussitôt.
La douleur refluait... La nocturne se sentit un peu mieux. Mais alors qu'elle passait sa langue sur ses lèvres teintées d'écarlate, elle entendit un bruit derrière elle. Elle tourna vivement la tête et eut le temps d'apercevoir le visage horrifié d'un autre Nocsys dans l'encadrement de la porte, qui se referma aussitôt.
Elle se releva en pestant haut et fort. Elle n'avait pas eu le temps de boire suffisamment pour tenir éloignée la souffrance jusqu'au jour... Pendant ce temps, une voix criait :

– Sus à la Khridd !

♦️ ♦️ ♦️


Lluìev fuit. Depuis deux heures déjà on la traque sans merci, et elle ne peut plus tenir. La fatigue paralyse ses muscles. Et la douleur... Insupportable. Indicible. Atroce.
Mais elle court, court encore, dans une rue étroite aux murs hauts et irréguliers, jusqu'à s'arrêter, à bout de souffle : un cul-de-sac. Devant elle, une paroi de pierre nue...
Dans un dernier sursaut de puissance, poussée par les cris qui se rapprochent derrière elle, elle bondit et grimpe, passe par-dessus le mur et s'écroule de l'autre côté. Haletante, trempée de sueur, elle écoute et perçoit les voix dépitées de ses poursuivants. Ils ne savent plus où elle est.
Sa conscience s'effiloche, elle veut la retenir mais ne peut pas... La douleur transperce son âme, la brûle, la consume. Lluìev lance un cri muet dans la nuit, puis s'effondre, sans connaissance, tandis que sa peau, petit-à-petit, s'obscurcit...
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Mèces Linne

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MessageSujet: Re: La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne]   La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne] Icon_minitimeMar 3 Nov - 18:11

De ses ailes un instant tendue vers le ciel, un tourbillon euphorique au cœur d'éclats de couleur renvoyait la lumière du feu. Mèces dansait au rythme des petites mains qui s'entrechoquaient, ses yeux brillaient à l'image de ses plumes émeraude, scintillantes. Au sol avait été déposée une lanterne usée dont l'ombre des flammes qu'elle abritait se mouvait sur des vitres presque opaques. L'Ephémère ne s'en éloignait pas, car elle lui prodiguait une douce chaleur, elle comme les rires des enfants assis dans la pénombre tout autour. Ce soir, il leur offrait la vue de son corps, une chaleur infinie. Il serait leur rempart contre la nuit et la peur.
Les ténèbres affamées s'étaient étendues sur la cité depuis une infinité de temps déjà. Lourdement, elles pesaient sur les toits, leurs entrailles béantes dégoulinant dans les rues, jusque dans les égouts qui noircissaient encore. Ce charbon poisseux collait aux visages, s'infiltrait dans les poumons. Personne n'était plus libre car la crainte s'emparait sournoisement des âmes.

Mèces ralentit peu à peu chacun de ses mouvements, jusqu'à ce que disparaisse tout à fait la longue traînée de lumière fauve qui suivait ses membres. Il s'accroupit au sol, sous les yeux écarquillés des mômes errants. Leurs petits souffles brefs accélèrent imperceptiblement.

« Sus à la Khridd ! »

L'écho se fit plus fort, impérieux, se heurtant aux murs, frappant aux portes et aux volets, de telle sorte que plus personne ne put l'ignorer. Alors les poitrines s'enflèrent, et la rage, la haine, teintèrent les voix.

« Sus ! Sus ! Sus ! »

Les enfants, peu à peu, se relevèrent, hésitants. Leur danseur ne bougeait plus, il semblait attendre. Une petite fille s'approcha de Mèces et posa sa main minuscule sur son bras. Elle pinça puis tira un peu, tâchant d'attirer son attention. De sa voix fluette, elle lui demanda qu'attends-tu, que fais-tu, pourquoi ne danses-tu pas ? Et ses yeux reflétaient la peur que son danseur ne se relève jamais plus et qu'elle reste seule.
Alors, Mèces leva vers elle son regard de jade. Elle comprit. S'enfuit. Et ses pas résonnèrent longuement dans le noir, loin, à la suite de ceux de tous les autres enfants, désormais éparpillés de-ci de-là, qui sous un amas de planches, qui derrière des détritus, mais tous dans leur propre chez-eux, aussi misérable fut-il.

Mèces trembla. Son immobilité avait permis au froid de conquérir son corps. Il se leva, d'une souplesse féline. Désormais, il était seul. Pourtant, il n'avait pas peur, quoiqu'il fut inquiet pour ces petits êtres qu'il avait dû laisser. Mais ils devraient survivre à cette nuit. Tandis que ce ne serait sûrement pas le cas de la créature dont il avait entendu crier le nom... La Khridd.

Déployant ses ailes magnifiques, il fit appel à sa magie torrentielle, afin qu'elle quittât ses veines pour jaillir dans la nuit. Et son corps de s'élever au-dessus de la ruelle, des toits, de la cité. Son regard descendit lentement vers le sol...
Tel des vols de lucioles, des groupes d'hommes munis de lanternes convergeaient vers un proche quartier. Ils affluaient et, peu à peu, les masses se fondaient, pour croître. Au centre du quartier, Mèces ne distinguait que noirceur, un dédale de ruelles à nul autre pareil.
Il plongea.
Ses prunelles ne cessaient de se mouvoir, méticuleuses dans leur quête.
Enfin, il l'aperçut. La créature tâchait de se hisser au-dessus d'un mur de hauteur non négligeable. Elle tomba de l'autre côté, alors que les hommes parvenaient dans la ruelle. Ils ne la virent pas, un rai enveloppé de ténèbres s'offrant seul à leurs yeux.
Lorsque les pieds de Mèces prirent contact avec le sol, celle qu'il avait prise une jeune femme avait déjà délaissé son apparence première. Il n'envisagea pas qu'elle put le blesser, aussi s'approcha-t-il à pas lents, prudent, désireux de ne pas l'effrayer. Alors qu'elle était encore allongée, il s'accroupit à ses côtés, et déploya son bras, rapide, pour poser la paume de sa main sur son front. Ce contact le brûla.
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Lluìev Khridd

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MessageSujet: Re: La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne]   La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne] Icon_minitimeVen 13 Nov - 18:22

La conscience flotte dans l’obscurité, rien que l’obscurité, toujours l’obscurité. L’esprit s’est désagrégé, il n’y a que des sensations, images incomplètes, éparpillées dans le néant, sans le fil conducteur de la pensée pour leur donner un sens. L’âme déstructurée se noie dans cet océan de ténèbres, sans attache pour refaire surface. Elle plonge...
Évanescence.


♦️ ♦️ ♦️


Lluìev errait dans les limbes de son âme. Il semblait qu’elle ne trouvât jamais son chemin, jusqu’à ce qu’une sensation presque oubliée la ramène doucement à la rude réalité du monde. Un contact... Celui d’une peau douce et tiède qui effleurait son front.
Elle ouvrit soudain les yeux et se redressa vivement, se plaquant contre le mur de pierre noire qui la surplombait. Elle était totalement perdue, le regard hagard, cherchant à retrouver son identité puis ses souvenirs de la nuit. Ils lui revinrent petit à petit en mémoire.

« Sus ! Sus ! Sus ! »

Et la douleur... La douleur qui avait maintenant presque disparu, ne laissant qu’un mal négligeable.

Mais il y avait un intrus, ici dans cette rue.
Son regard se posa sur le Diürian qui l’observait. Elle sortit en un éclair ses kunaïs de leur fourreau, prête à se défendre s’il s’avérait être dangereux, et reprit son expression neutre et méfiante qui ne la quittait qu’en de très rares occasions. Elle n’était pas encore capable de se lever, mais ne se laisserait pas prendre facilement la vie.
Elle ne bougea pas, attendant une quelconque réaction. Le silence pesait. Elle dévisagea l’éphémère.
Il était beau, couvert de dessins multicolores, sa chevelure de la même couleur, ses ailes translucides d’un vert émeraude. Il dégageait une aura apaisante à laquelle même Lluìev n’était pas insensible. Elle sentait qu’il n’avait aucune mauvaise intention... Mais il en fallait plus pour briser le solide barrage de sa méfiance, et elle restait là à le contempler, sans dire un mot, attendant qu’il prenne la parole en premier, son regard toujours fiché dans ses froides prunelles, le défiant de la faire encore souffrir. Elle avait déjà assez subi comme cela.
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Mèces Linne

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MessageSujet: Re: La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne]   La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne] Icon_minitimeSam 14 Nov - 18:25

Mèces s'était accroupi afin de se porter à la hauteur de la jeune Nocsys. Subitement, les yeux de celle-ci s'ouvrirent, et la force de la lumière qui en jaillit eut quelque chose de troublant. Il sembla à l'Ephémère qu'une étoile s'éveillait, un astre dont la nuit lui volait la vue. Et, tandis qu'elle contractait tous ses muscles en un effort désespéré pour le fuir, Mèces tentait avec curiosité de percer les limbes opaques de l'obscurité.

Le corps de la jeune femme heurta le mur avec violence, comme si elle eut cherché, de son dos, à le briser. Elle respirait vite, son regard ne sachant où se poser. Cependant, l'Ephémère ne s'était nullement relevé. Il paraissait ainsi certainement fragile, vulnérable, quoique toute son attention fut concentrée sur la jeune Nocsys.

Ce ne fut que lorsque le regard de cette dernière se posa sur lui que Mèces prit mesure de l'ampleur de son malaise, de la peur qui l'habitait. Elle venait de dégainer deux lames dont le fil acéré n'avait d'égal que le tranchant de ce croissant d'albâtre qui dévorait son visage. Alors, Mèces se redressa avec lenteur, parfaitement conscient que le moindre écart pourrait effrayer la jeune femme, sinon qu'il risquait d'y perdre la vie. Ce qui, soit dit en passant, ne le préoccupait pas outre mesure.
Sûrement fût-ce cette témérité, cette assurance, qui lui permit de ficher son regard dans ces yeux d'un noir d'onyx. Et tandis qu'il demeurait là, simplement immobile face à elle, irrévérencieux, son souffle formait de fines volutes pâles avant de s'envoler vers le ciel dans la froideur nocturne.
Face à lui, elle attendait, et il lui semblait que jamais plus il ne pourrait se mouvoir. Il eut envie de déployer ses ailes, de s'envoler. A ces pensées, il fut pris de la sensation d'étouffer... Il ressentit alors le besoin de parler, violent et impérieux, de déchirer ce voile de silence que piquaient parfois quelques voix lointaines.
Sa voix eut l'infinie force du murmure, une délicatesse sans pareille.

« Si je puis... »

Alors, il leva doucement sa main vers elle. Il bougea, et ses lèvres de se clore, sans plus donner vie au moindre mot, sans nulle explication, ses doigts de se tendre vers la première de ces deux armes, vers ce métal dont la couleur glaciale évoquait bien davantage celle de la cendre que celle de la lune.
Ils se refermèrent sur le tranchant de la lame.

Ose couper, ose, je ne te fuirai pas.
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Noir et vert. Onyx et jade. Lluìev ne détachait pas son regard des prunelles de l'Éphémère et restait là, figée contre ce mur d'ébène, telle un loup face au danger, défiant son adversaire. Pas même un souffle ne frôlait ses lèvres ; on n'entendait que les bruits lointains de la ville, semblant appartenir à un autre monde que celui des deux êtres au fond de cette ruelle.
Le Diürian se releva soudain, doucement, mais Lluìev ne bougea pas, ne fit pas l'ombre d'un mouvement ; elle se contenta de ne pas rompre le contact de leurs regards, mettant dans ses yeux toute la menace qu'elle ne formulait pas. Le silence régnait en maître absolu dans cette bulle de ténèbres qu'ils avaient intégré, et l'on pouvait subir sa pression sur son cœur et son âme au risque de suffoquer ; mais Lluìev n'était plus victime du silence maintenant : il était devenu son arme. Alors elle bandait l'arc de son mutisme et lançait ses flèches sur le cœur et l'âme de l'Éphémère.
Les pointes acérées touchèrent leur cible. Un murmure franchit ses lèvres :

– Si je puis…

Lluìev ne bougea toujours pas. Elle attendit, attendit que le bras se tende, que la main s'ouvre, que les doigts se referment sur son arme réelle et concrète, dure et tranchante.
Le contact n'avait pas été perdu.
Et Lluìev vit la menace de son regard se refléter dans les prunelles de jade. Elle sut que le danger n'était plus et n'avait jamais été présent.
Alors elle écarta lentement les doigts, lentement lâcha la poignée de métal, qui lentement glissa de sa main, la lame effleurant la peau de l’Éphémère, puis la sienne. L’arme tomba à terre dans un cliquetis de ferraille.
Elle posa l’autre sur la pierre froide, sans quitter des yeux le Diürian, puis ramena ses bras vers elle. Son expression s’était adoucie ; elle se sentait apaisée, la nervosité retombait après la traque. Le calme qui l’enveloppait et la chaleur émanant de cet être si intriguant et si différent la rassérénaient.
Elle posa alors sa tête contre le mur et ferma les paupières. Signe qu’elle accordait maintenant une confiance absolue à celui qui l’avait regardée autrement. Une confiance irrémédiable. Pour elle, un véritable présent qu’elle offrait pour la première fois.
Elle se laissa aller à la paix. Le silence était resté, mais n’était pas le même : d’une arme il s’était transformé en don, Lluìev le tendait vers l’Éphémère, l’en enveloppait afin qu’il le comprenne et apprécie sa force et sa douceur. Qu’il apprécie cet instant.


Dernière édition par Lluìev Khridd le Dim 6 Déc - 21:00, édité 1 fois
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La peur de la jeune femme semblait n'être autre que l'expression de son être, de sa souffrance toute entière, de sa solitude aussi. Qu'importaient les entités qui entouraient la jeune Nocsys de leur présence, car ils n'auraient aucune valeur tant que, dans leur regard, se reflétait le moindre soupçon de peur, comme si leurs yeux fussent autant de miroirs. Et la peur réciproque d'entraîner la douleur en une boucle infinie...
Un cri éclata violemment, au loin, lacérant le doux voile nocturne.

Elle eut pu trancher ses veines et déchirer sa peau, elle eut pu transpercer son cœur que nulle armure ne protégeait, et boire l'agonie de l'Ephémère comme elle l'eut fait du doux miel de la vengeance, une vengeance absurde mais infiniment exquise.
L'immobilité de Mèces n'avait d'égale que celle des astres en ce ciel nocturne, ce jusqu'à qu'il perçût cette infime lueur dans le regard de la jeune Nocsys. Alors, sa respiration, si lente, retrouva ce calme qui la caractérisait.
La lame glissait, prévenant avec délicatesse de la dangerosité de son mouvement. L'Ephémère perçut une douleur dérisoire dans le creux de sa paume. Quoiqu'il fut certain que la lenteur de la Khridd avait la douceur d'une attention à son égard, qu'elle portait le désir de ne pas le blesser, il demeura encore un instant fixe. Un rai de douleur, tel une caresse, sillonna sa peau, l'attirant inéluctablement vers une réalité qu'il eut voulu fuir encore. A chacun des battements de son cœur, la douleur s'éveillait pour refluer aussitôt.
La lame tomba au sol, émettant plaintivement un cliquetis.
Une rumeur, telle une odeur tenace, bourdonnait autour du cocon que délimitait la présence des deux êtres, la Nocsys et l'Ephémère.

Elle posa la seconde arme et son regard ne se détachait pas du jeune homme. Peut-être que, si elle avait rompu ce lien, il aurait cessé de respirer. Car il n'ignorait pas, Ephémère qu'il était et par-là même absorbé dans l'instant comme nul autre, que si quelque chose que ce soit venait à l'arracher à cette bulle, il en souffrirait, et cette fois-ci cela serait sans commune mesure avec la douleur physique.
Cependant, le regard de la jeune femme ne se détacha pas du sien. Il se referma doucement sur lui-même, tel le cœur d'une belle de nuit dont les pétales, à l'aube, doivent se clore. Ainsi, la jeune femme devint vulnérable, plus encore que ne le fût Mèces un instant auparavant.
Il en fut conscient. Il prit mesure de l'ampleur de ce présent. Et peut-être signifiait-il davantage encore...

Peut-être des hommes criaient-ils mais, cette fois-ci, Mèces ne les entendrait plus.

Il s'avança d'un pas, désormais si proche de la jeune femme qu'il pouvait percevoir son souffle sur son visage. Il souhaitait savoir... Dans son esprit, des bribes de phrases avaient entamé une valse suave. Il s'agissait des cris de haines, qui se livraient une bataille sans merci.
Il devait savoir.
Inclinant son visage, il effleura celui de la jeune femme. Alors seulement, le parfum du sang, infime, s'immisça dans son esprit.
Il sut. Elle avait tué, cette nuit.

Le silence formait une aile immense, protectrice, qui les enveloppait tous deux et semblait vouloir ne jamais les livrer au monde et à ses périls.
Mèces leva la main, et l'extrémité de son index et de son pouce vinrent se poser sur les paupières closes de la jeune Nocsys. Quelques gouttes de sang glissèrent sur sa peau pour rencontrer le front d'onyx.
Avec une infinie délicatesse, il les ouvrit. Et son regard rencontra le sien, si proches que cela eut pu en être effrayant.
Mais dans les yeux de l'Ephémère, nulle colère, nulle tristesse, seul un sourire qui paraissait éclairer son être entier, quoique son visage semblât dénué de toute expression.
Il esquissa un pas en arrière.

« Souhaites-tu vivre ? »

Jamais il n'avait eut le privilège d'entendre les intonations de sa voix et, cette-fois non plus, il ne s'attendait pas à ce qu'elle prononçât une réponse. Non, simplement, il tendit vers elle ses deux paumes ouvertes sur une promesse de liberté.

Une lance perfora la paroi de bois à quelques pouces de la tête de la jeune femme. Les planches hurlèrent de peur, des échardes giclant comme autant de gouttes de sang.
Quelque rugissement inhumain monta vers le ciel. Les bêtes humaines ne tarderaient plus à rejoindre les deux êtres.
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Lluìev Khridd

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MessageSujet: Re: La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne]   La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne] Icon_minitimeLun 23 Nov - 20:54

Lluìev était sereine, perdue dans les douces ténèbres de la quiétude et du silence. Elle ne percevait autour d’elle que la chaude présence de l’Éphémère. Mais quand elle sentit celui-ci si près qu’elle pouvait goûter à son souffle, elle eut un léger, très léger mouvement de recul, surprise. Mais elle ne bougea pas plus que cela. Elle n’ouvrit pas les yeux. Elle laissa la peau frôler la sienne comme jamais elle ne l’avait laissé faire.
Elle perçut qu’il inspirait. Il humait son odeur. Mais elle n’en chercha pas la raison. Elle se contenta de respirer avec lui, d’unir leurs souffles afin de renforcer leur lien. Et quand elle sentit alors deux doigts se poser sur ses paupières avec une infime délicatesse, cette fois-ci, elle ne tressaillit pas, même quand les gouttes de sang qu’elle avait fait se détacher de la chair coulèrent sur son front. Sa respiration ne s’accéléra pas mais se fit plus lente...
Ses paupières s’ouvrirent, portées par les doigts de soie du Diürian.
Et son cœur s’emballa.
Elle plongeait dans ces deux puits de jade, se noyait dans ses prunelles, dans cet océan de chaleur et de promesses, et l’espoir qu’il distillait s’infiltra dans ses pupilles, et par tous les pores de sa peau. En cet instant, elle se sentait prête à tout, et libre, enfin, de ses entraves.
L’Éphémère recula, et Lluìev porta la main à son front, essuya du bout de ses longs doigts le sang qui y avait été apposé, telle une marque de renaissance. Elle regarda le liquide vert couler le long de sa peau. Puis elle leva les yeux vers celui à qui il appartenait, et vers ce sourire caché dans ses yeux.

– Souhaites-tu vivre ?

Et deux mains ouvertes vers le ciel se tendirent vers elle. Souhaitait-elle vivre ? Elle n’aurait su que répondre auparavant. Mais à présent, face à cet être si plein de promesses d’espoir, elle savait.
Elle tendit à son tour sa main ensanglantée. Leurs doigts se touchaient presque...

Une lance percuta la paroi de bois de la porte à côté d’elle, à quelques centimètres.
Lluìev se leva d’un bond, ayant regagné ses forces, en récupérant ses deux kunaïs d’un même mouvement et détachant d’un coup sec la chaîne maintenue contre sa taille. Elle se plaça devant le Diürian, qui semblait si fragile face à la violence des hommes, et dévisagea leurs agresseurs. Six bêtes humaines au visage hargneux, brandissant des lances ou des dagues. Elle avait une chance de l’emporter...
Car maintenant, le combat était inévitable ; mais, même si elle avait eu le choix, elle n’aurait pas fui. Pas cette fois encore. Le contact avec l’être qu’elle tentait maintenant de protéger lui avait redonné la foi. La foi en elle-même.
Ne perdant pas des yeux les truands qui s’approchaient, elle tourna légèrement la tête vers l’Éphémère et prononça dans un souffle des mots qu’elle ne voulait pas laisser échapper :

– Fuis, dès que tu le pourras... Je ne peux entraîner quelqu’un avec moi.

Puis elle se posta face aux bêtes, inspirant calmement afin de se concentrer. Elle devait faire monter la magie en elle... Elle y parvint.
La ruelle devint plus noire que les plus obscures ténèbres. Les hommes poussèrent des exclamations de rage, tentant en vain de rallumer leurs lanternes. Mais Lluìev, elle, sentait le monde autour d’elle. Alors elle s’avança au beau milieu de ses adversaires sans faire un seul bruit, se mettant dans une position dangereuse, mais plus sûre d’elle-même qu’elle ne l’avait jamais été. Elle prit la chaîne qui reliait ses kunaïs...
Et lança ses deux lames de chaque côté, en tournant sur elle-même à une vitesse hallucinante.
Alors que la lumière jaune des lanternes revenait, les cadavres de deux hommes s’écroulaient au sol, la gorge tranchée net. Entièrement concentrée sur le véritable affrontement qui allait avoir lieu, Lluìev n'avait pu maintenir les ténèbres de sa magie. Les brutes qui restaient, découvrant leurs camarades morts, affichèrent une brève expression de surprise et de crainte qui fut aussitôt remplacée par la haine. Haine pure.
Dure.
Ils se jetèrent sur la Khridd. Mais celle-ci était prête.
Faisant vivement tourner ses kunaïs au bout de leur chaîne, en attrapant parfois un dans sa main d’un habile geste, tel un yo-yo, elle valsait entre les quatre hommes qui tentaient tant bien que mal de la toucher. L’un d’eux y parvint, entaillant sa hanche. Le sang chaud et pourpre glissa en grosses gouttes sur sa ceinture. Mais Lluìev se battait bien, et elle en envoya bientôt un à terre, le cœur perforé, puis un deuxième.
Cependant la Nocsys faiblissait ; elle ne s’était pas encore totalement remise de la nuit de fuite et de souffrance insoutenable qu’elle venait de vivre ; et ses coups perdaient en rapidité, au profit de ses agresseurs, qui en profitèrent. L’un toucha son épaule gauche : la pointe de fer s’enfonça sans merci dans la chair, déchirant les muscles. Lluìev ne cria pas, ne montra aucun signe de douleur, mais la sensation n’en était pas moins cruelle. Et son bras était maintenant inutilisable. Elle profita cependant de ce que l’homme s’était rapproché d’elle pour ficher sa lame dans sa gorge.
Il eut alors un moment de sursis durant lequel les deux combattants restants reprirent leur souffle. La jeune femme avait plaqué sa main droite contre l’entaille dans son épaule, tentant d’empêcher le sang de couler. Elle respirait fort, tenait difficilement debout. Son assaillant, lui, était en meilleure posture, le biceps simplement éraflé. Il n’attendit pas longtemps pour fondre sur elle, dague en avant. Et Lluìev, dans un dernier effort, se baissa pour éviter la lame, et, tendant le bras, planta la sienne dans son corps. Ses jambes ne la soutenant plus, elle s’effondra comme une vulgaire poupée sur la pierre noire de la rue.

Elle ne sut si elle avait tué le dernier homme. Ses yeux se fermaient sur la vision de son propre sang se répandant au sol. Elle luttait pour rester lucide, pour rester en vie peut-être ? Elle ne savait plus. Ne pensait plus. Sombrait dans les ténèbres de l’inconscience...

"Non... Pas encore..."

Dans un ultime sursaut de clairvoyance, quelques mots s’échappèrent de ses lèvres, murmure de détresse envoyé dans l’ombre de la nuit.

– Je souhaite... vivre...
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Mèces Linne

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MessageSujet: Re: La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne]   La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne] Icon_minitimeMer 25 Nov - 20:49

[Petites modif' effectuées :3]


Tant d'espoir se réfugia dans les tréfonds de l'être de la jeune femme, pour rejaillir dans son regard, que Mèces s'accorda le droit de croire, sincèrement, qu'il pourrait la sauver. Ses yeux ne se détachaient des siens et, s'il ne voyait sa main d'anthracite fine, il percevait son mouvement, la chaleur qui se dégageait de ses doigts, tout comme le bruit doux des gouttelettes de son propre sang qui rejoignaient la terre.
Ce fut à cet instant que cette bulle d'absolue quiétude éclata. Les éclats scintillants criblèrent la fine pellicule de poussière, au sol.
Alors une énergie nouvelle sembla inonder les veines de la jeune femme. Ses muscles se tendirent violemment. Elle fit volte-face.
Une lueur d'infinie tristesse glissa dans les prunelles d'émeraude pour y sombrer, de telle sorte qu'il semblât qu'elle n'avait jamais existé.
Mèces voulut parler. Ou peut-être, simplement, qu'elle croisât son regard. Elle n'avait pas à le protéger. Sa vie éphémère ne possédait nul prix.
Elle ne lui en laissa pas le temps, ne lui offrit pas cette occasion de se libérer de ce carcan de peurs naissantes.

– Fuis, dès que tu le pourras... Je ne peux entraîner quelqu’un avec moi.

Ce souffle heurta Mèces avec une douloureuse légèreté. Durant une unique seconde, ce murmure, ces quelques mots, lui semblèrent si naturels, si évidents. Mais ce n'était qu'une apparence, que leur conférait l'infinie pureté de cette voix. Car en trame de fond, comme masqué par ce présent d'une générosité sans faille, demeurait un sacrifice. La jeune femme s'apprêtait à flirter avec la Mort.
Doucement, tout doucement, Mèces esquissa un mouvement de dénégation, de la tête. Mais la Khridd ne le regardait pas, toute son attention concentrée vers les porteurs d'une haine à mourir.
Tu peux décider de ce que je meure, mais tu ne le veux.

Ce sacrifice, qui se présentait désormais comme inéluctable, ne serait pas celui de la jeune femme seule.
Quelles raisons peuvent-elles pousser un homme à partir à la chasse au loup ? Peut-être ces mômes transis, lovés entre les bras tièdes de leurs mères oppressées, étaient-ils l'origine première des pires carnages ? Au bout de la ruelle, des femmes inquiètes se pressaient les unes contre les autres, leurs yeux écarquillés rivés sur leur moitié partie se battre. Entre quelques mains, des lanternes dont la flamme tremblante projetait sa lueur cireuse sur les visages aux traits tirés par la fatigue. Le petit groupe frissonnant paraissait semblable à une unique luciole, perdue au cœur de la nuit, mais pourtant coincée entre les murs étroits des batisses.
Peut-être l'homme sait-il devenir trop bien devenir bien pis qu'une bête. Mais il n'en demeure pas moins atrocement humain.
Un gosse hurla avant d'éclater en sanglots. Les ombres s'étaient étirées au point de dévorer l'espace, si opaques que même les mouvements en furent ralentis, comme s'il se fut agi d'une épaisse brume.
Mèces leva son visage vers la voûte étoilée, mais son regard, noyé dans les limbes de ténèbres qu'insufflait cette puissante magie, ne put percer la noirceur. L'Éphémère entrouvrit les lèvres, pour boire l'air. L'espace portait, presque imperceptible, un parfum de magie pourpre.
Avant même que le voile dévoreur de lumière ne se levât, Mèces sut que la Krihdd se mouvait, et sa grâce n'avait d'égale que celle des ailes frémissantes de quelque papillon de nuit.

Puis la lune perça la chape d'ébène, éclaboussant la ruelle. Sa lumière gicla sur les visages, ruissela sur les ailes éclatantes de l'Éphémère comme sur la chevelure si blanche de la jeune femme. Des gouttelettes mordorées éclaboussèrent les corps maculés de sang. Étendus sur le pavé glacial, inertes, ils évoquaient des pantins dont on aurait coupé les tristes fils.
Deux bruits de choc mat résonnèrent simultanément, en écho. Juste derrière la jeune Nocsys, un être lumineux était tombé. Loin, derrière l'ouverture de cette porte, un second être vivant avait chuté. Le premier, à genoux, le second, de tout son long dans la poussière. Le premier n'était autre que Mèces, le second un jeune homme anonyme, insignifiant, tout comme sa souffrance peut-être.

Elle, se battait encore. Elle livrait combat pour défendre sa vie, ainsi, peut-être, que celle de celui qui la contemplait sans la voir. La jeune Nocsys paraissait un feu follet, une flamme qu'animait le vent.
Doucement, Mèces s'était relevé. Il eut voulu s'approcher des deux défunts pour les guider lors de leur départ, mais il savait qu'il devrait s'abstenir, qu'importe combien cela lui coûtait.
Désormais, ses sentiments semblaient inaccessibles à qui que ce fut.

Il fit volte-face, son regard glissant sur la jeune combattante, celle qui avait eu le choix, quoi qu'elle pût dire.
Il s'avança d'un pas, vers l'extrémité opposée de la ruelle, la liberté glauque et poisseuse. Le froid de la pierre brûla son pied. Et Mèces savait pertinemment que, plus il s'éloignerait, plus chaque geste lui serait douloureux.
Il n'ignorait pas que, sans nul doute, il succomberait à cette solitude nouvelle.
Mais tout ce qu'il désirait c'était fuir, fuir pour oublier ces flots de sang comme ces âmes arrachées, et non vivre. Était-ce lâche ? Peut-être que le fait de vouloir mourir pour ne plus voir souffrir ne se justifierait jamais, mais peu lui importait.
Il voulut fuir, et déjà les ténèbres se tendaient vers lui, glissaient sur sa peau, affamées, dévorantes, mais il hésita, une fraction de seconde durant. Alors, tous ses sens en éveil, frissonnant, il lui sembla percevoir un souffle. Comme l'expiration d'un être qui s'effondre, vivant encore.
Avec une infinie lenteur, l'Éphémère tourna la tête. Son souffle dessinait de gracieuses volutes dans l'air glacé. Il clôt ses lèvres pâles, pour s'arracher à la noirceur. Il marcha, doucement d'abord. Puis il se prit à courir, si léger que ses pieds se posaient au sol sans nul bruit. L'Éphémère paraissait voler, si lumineux qu'il inspirait à ces êtres transis, de l'autre côté de la porte, une inaltérable fascination.
Mèces parvint juste devant le corps, et autour de ses pieds immobiles devant le visage que se disputaient la noirceur et la blancheur, dégoulinaient des filets de sang sombre.
Au sol, gisait la jeune femme.
Mèces la surplombait de toute sa hauteur. Bien que, face à lui, haletant, se tînt un homme aux yeux hagards - l'ultime combattant -, il clôt ses paupières pâles.
Mèces attendait, ce sans accorder nul regard à la jeune femme. En cela, il était atrocement dur avec elle. Cela signifiait-il qu'il serait prêt à la laisser ? Pourtant, il ne lui reprochait rien. Combien n'avait-elle pas donné pour lui ? Hésitait-il ? Non. Peut-être était-il simplement perdu... Ou bien peut-être la reconnaissance qu'il ressentait envers la jeune femme était-elle teintée de l'amertume du sang versé.
Elle aurait pu ne jamais parler, ni ne bouger. Mèces l'aurait-il laissée aux fauves ? Lui-même n'aurait su le dire.

– Je souhaite... vivre...

L'Éphémère leva la main devant lui, pour la plaquer sur le cœur de cet homme blessé, un forgeron au vu de ses mains striées, qui patientait dans l'attente de l'annonce de sa victoire. La brute tressaillit, protégea son visage de ses bras en un mouvement convulsif. Un grognement de rage craintive montait hors de sa gorge tandis qu'il fixait cet être si vulnérable, et son regard tiquait nerveusement sur ces paupières closes. Une femme âgée s'était approchée derrière lui. Elle l'entoura de ses bras. Alors l'homme se retourna et se crispa, telle une statue de pierre, comme si son être se fût éteint. Il croyait avoir tué, cette nuit. Il avait vu mourir.
Mais cela n'importait plus.

Mèces s'accroupit, tranquille. Ces trois mots qu'elle lui avait donné, il les portait désormais en lui, et ils lui conféraient la chaleur d'une douce quiétude.
Avec brio, l'Éphémère masquait la moindre de ses pensées, comme ses sentiments, de telle sorte qu'il montrât au monde un visage dénué de toute expression ou de toute contrariété. Il ne paraissait pas appartenir au même univers que les êtres transis de froid et de peur.
L'Éphémère glissa ses mains sous le corps étendu et, se penchant, l'enlaça tout entier, le souleva avec douceur pour le prendre dans ses bras, comme il en aurait fait d'un tout petit enfant. Précautionneusement, il évita, ne serait-ce que d'effleurer l'épaule transpercée, par laquelle s'écoulait la vie écarlate. La Nocsys était si désarmée, peut-être plus encore que lui, le Diürian.

Il se redressa avec lenteur, déploya ses ailes.

Un tressaillement parcourut tous ceux et toutes celles qui le dévoraient du regard. Peut-être eurent-ils peur qu'il ne sauvât le monstre. Peur de voir leurs enfants dévorés par la bête.
Quel monstre, quelle bête ?
Avec tendresse, Mèces contemplait le visage pâle, si fragile. Ces paupières closes comme la lenteur de ce souffle témoignaient de la folle fuite de la conscience, et à sa suite de la Vie.
Peut-être la jeune femme mourrait-elle.
Son cœur se serra douloureusement.

Peu à peu, ses pieds nus se détachèrent du sol. Ses orteils effleurèrent encore la poussière, puis s'en séparèrent tout à fait. Mèces s'élevait vers le ciel.
Pourtant, un jeune homme, celui-là même qui avait perdu connaissance à la mort de son père, celui dont les larmes ravageaient le visage, banda son arc. Malgré l'obscurité et le tremblement de tout son corps, il libéra la flèche.
L'objet transperça l'air, fusa. Mèces aperçut l'éclair argenté, trop tard. Aussi ne cherchât-il nullement à l'éviter. La pointe d'étain transperça sa peur pour heurter l'une de ses côtes, racla l'os avant de poursuivre sa folle course. Le sang gicla.
Le Diürian serra les mâchoires.

Pourtant, ses ailes battirent avec fluidité. Il s'éleva au-dessus des maisons, avant de laisser à nouveau le sol l'attirer. Mais ce ne fut que pour se déposer sur un toit d'ardoises cendrées, à l'abri de toutes les bêtes que couvait la nuit éternelle d'Adalêgmor.
S'asseyant, il s'adossa avec précaution aux pierres d'une cheminée. Son sang dégoulinait contre son torse, se mêlant à celui de cette jeune femme dont il ne connaissait pas le nom. Il la regardait encore, souhaita écarter les mèches de son visage mais n'osa bouger.
Il aurait voulu arracher une à une les plumes de ses ailes. Il les aurait posées sur la plaie de cette épaule, et elles auraient préservé la flamme tremblotante de cette vie.
Attendrait-il jusqu'à l'aube, ou jusqu'à en mourir, que le sang cessât de fuir ?
Non.
Sa voix n'était qu'un murmure, si doux.

« Prends mon sang. »
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Lluìev luttait, encore et toujours, dans les ténèbres de l’inconscience. Elle cherchait son chemin, se battait pour ne pas se perdre. Jusqu’à ce qu’elle retrouve enfin la voie de la réalité.
La douleur à son épaule ressurgit, et elle se souvint. Ses souvenirs affluaient à son esprit comme le sang chaud coulait sur sa peau. Teintés d’écarlate.
Elle sentit le contact de bras sous son dos et ses jambes, et comprit qu’on la portait, et qu’ils ne touchaient pas le sol. Elle ne savait qui était cet être clément, mais lui était reconnaissante. Et elle espérait.
Après quelques instants qui lui semblèrent s’éterniser dans l’infini de la nuit, ils touchèrent le sol. Mais elle n’avait pas encore atteint le bout du chemin qui menait à la conscience, et elle ne put ouvrir les yeux. Tout n’était encore que sensations. Elle sentait son souffle accéléré se fondre dans l’air nocturne, sentait le liquide chaud rouler sur son épaule, sentait la présence chaude de l’être à ses côtés. Et arpentait toujours la route.

– Prends mon sang.

Ce n’était qu’un murmure et pourtant les trois mots résonnèrent dans son esprit.

Prends mon sang.

Lluìev ouvrit les yeux.

Elle vit tout d’abord le ciel, dôme d’encre noire sans fin. Puis se redressa légèrement en grimaçant de souffrance, et son regard trouva le jade.
L’Éphémère. Il ne l’avait pas laissée ! Elle se rendit compte qu’elle était heureuse qu’il ne l’aie pas abandonnée. Jusqu’à ce qu’elle baisse les yeux...
Une déchirure béante dans la chair, un sang d’émeraude s’en écoulant à flots.
Ses yeux s’agrandirent, elle se maudissait à présent plus qu’elle ne l’était déjà. Elle aurait dû repousser cet être si innocent et pur, l’empêcher de la suivre dans son malheur. Et maintenant, à cause d’elle...
Elle retrouva totalement l’usage de ses muscles, et, écartant une mèche collée contre sa joue, se redressa en serrant les dents, une main sur sa blessure. Ils étaient sur un toit de tuiles noires, le Diürian était adossé à une cheminée et ne bougeait pas. Le sang continuait de couler sur son torse nu et vulnérable.
Elle ne se demanda pas comment ils avaient atterri ici mais se mit à genoux face à lui et fourragea dans son sac qui ne la quittait jamais, bien serré contre sa hanche. La vie solitaire faisait tout prévoir pour tous genres de situations, et celle-ci n’était pas rare, aussi Lluìev trouva vite une petite boîte en bois, un rouleau de longues bandes de tissu blanc et une outre d’eau. Elle prit d’abord un bout de sa cape, la trempa dans l’eau et essuya délicatement la blessure de l’Éphémère, s’efforçant d’oublier son propre sang qui coulait de son épaule. Puis elle ouvrit la petite boîte, s’enduit le doigt d’une pâte gluante et l’apposa sur les chairs sanguinolentes. Après cela elle tira des bandes de tissu, les déchira avec les dents et entreprit de bander la blessure en serrant fort mais le plus doucement possible. Elle fit de même avec son épaule en se retenant de crier, puis s’assit contre une autre face de la cheminée, haletante. Leurs bras se touchaient.

« Je ne prendrai jamais ton sang. J’en ai déjà trop volé. Je souhaite vivre, mais une vie pure vaut plus qu’une vie maudite. »
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MessageSujet: Re: La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne]   La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne] Icon_minitimeSam 12 Déc - 11:38

Hors d'atteinte, si lointaines, deux oreilles sybillines se dressèrent vers le ciel. La large poitrine s'éleva, se détachant de l'humus. Des fragments de feuilles mortes virevoltèrent autour du corps majestueux du loup.

Parfaitement droit, son dos nu appuyé contre la pierre glaciale et maculée de suie, Mèces attendait. Se distillant dans ses veines, une sensation de vertige l'enivrait douloureusement, tandis que sa conscience s'effilochait. Ces filaments dorés, quoiqu'invisibles, s'enfuyaient en tous sens. Peut-être tout l'esprit de l'Ephémère allait-il se détacher de son corps avant que la jeune femme ne reprît possession du sien. Peut-être l'âme de la jeune femme ne referait-elle jamais surface, éparpillée dans des ténèbres que Mèces ne pouvait seulement concevoir ?
L'âme du Diüran cheminait vers un trou noir perdu à l'horizon telle une étoile solitaire, une porte de sortie vers l'infini.
Et s'il rencontrait, en chemin, à contresens, l'essence de la jeune femme ? Afin de se croiser, une ultime fois...

La caresse d'une aile immatérielle effleura son visage.

Le regard de Mèces, qui déjà ne fixait plus rien, se fit soudain perçant, transcendant. Le fond de ses prunelles s'enflamma à la manière de l'horizon au crépuscule.
Il était revenu à temps pour voir s'ouvrir les paupières de la jeune femme. Écartant ses bras afin de la laisser libre de ses mouvements, il posa ses mains sur l'ardoise du toit.
La Nocsys se redressa. Ce ne fut qu'à cet instant que Mèces s'aperçut combien elle prodiguait de chaleur. Il frissonna, à peine.
Son regard rivé au sien, il lui sembla qu'elle recouvrait toutes ses forces, avec une douce assurance. Il savait qu'il se trompait. Mais pourtant, il ne pouvait réprimer ce sentiment d'inutilité qui prenait possession de lui.
Inutile, il l'était, n'est-ce pas ? Il n'avait rien pu faire, pas même retrouver son esprit égaré dans les limbes.
Désormais, il n'était plus qu'un poids, non ? Ces fugitifs instants qu'ils avaient vécu ensemble tous deux étaient-ils consommés à jamais ?
Subitement, en la regardant, Mèces fut saisi d'une peur étrange, glacée. A genoux face à lui, elle semblait chercher... Cette lueur d'urgence dans son regard calme, épuisé... Songeait-elle à le soigner ?

Jamais personne n'avait cherché à guérir ses blessures. S'il mourait, personne n'y pouvait rien, c'était la volonté seule de la Nature - du moins était-ce ce que tous ceux de son peuple pensaient, ce que Mèces croyait aussi. Car c'était vrai, n'est-ce pas ? Les Éphémères n'ont pas de prise sur le cours de leur vie. Parfois même, c'est enfant que la mort les fauche. Ainsi est la Nature. Ils revivront.
Non, pas moi, eut voulu crier Mèces.
Il ne serait pas le jouet du hasard. Il ne continuerait pas.
Il devait finir ici.

Douloureusement, ses lèvres s'entrouvrirent pour laisser naître un triste murmure.

« Je t'offre de me soigner... »

Car tu dois vivre, eut-il dû ajouter. Car je sais que tu ne pourras pas vivre si tu dois porter ma mort. Je sais que ton corps abrite un cœur.
Tu dois me soigner, pour ne pas ne jamais pouvoir te pardonner de ne m'avoir aidé.

Mèces pencha légèrement la tête sur le côté. La main d'onyx œuvrait avec assurance, de manière à lui éviter toute souffrance inutile, et au-delà de tout, à le sauver.

« ...Mais, pour moi, ce ne sera pas utile. »

Prononcer ces quelques mots lui fut encore plus pénible. Pire encore, il ne comprit pas pourquoi est-ce qu'il souffrait.

S'étant soignée, la jeune femme s'assit à côté de lui. Il ne pouvait plus la voir. Elle non plus. Il percevait son souffle précipité. Seul demeurait encore le contact entre leur bras, leur peau tiède, d'une part si noire, de l'autre bien pâle, le même contraste que lorsque la Lune est haut dans le ciel. La Nocsys aimait-elle la Lune ?

En un rythme d'une régularité parfaitement maîtrisée, la créature dévorait la distance qui la séparait de son étoile. Sous son épaisse fourrure cendrée, ses muscles puissants jouaient sans mal. Sa gueule entrouverte laissait entrevoir l'éclat de ses crocs. Le parfum de la vie sauvage se dispersait dans son sillage, semant la terreur parmi les proies. Au cœur des ruelles, la créature se déplaçait sans nul bruit. A pas de loup.
La nuit était son territoire de jeu, de chasse.


Mèces était en proie à des tiraillements contraires. Mais, au fond, il savait ce qu'il devait faire. Du moins croyait-il savoir qu'il lui fallait partir.
Il leva le visage vers l'infinie voûte noire, le voile céleste.

« Je ne prendrai jamais ton sang. J’en ai déjà trop volé. Je souhaite vivre, mais une vie pure vaut plus qu’une vie maudite. »

Le jeune homme déplaça sa main, capturant doucement celle de la jeune femme, qu'il replia dans la sienne, l'enveloppant toute entière, tel un petit oiseau lové dans le creux de sa paume.

« Ma vie s'achève. »

Le loup ralentit. A chacun de ses pas, ses griffes frottaient la pierre lisse, projetant d'infimes étincelles. Enfin, il s'assit, silencieux.
Ses yeux dorés brillaient avec ferveur. A eux deux, ils contenaient le firmament.
Le loup faisait majestueusement face à une immense bâtisse recouverte de lierre, une bâtisse au toit d'ardoise grise et à la cheminée éteinte.
Il attendait.


Mèces se leva. Dans son dos, la suie avait dessiné les splendides arabesques d'une peinture mortuaire.

Le loup leva la gueule vers le ciel. Un cri explose en lui, le déchire. Il hurle en silence. Qui l'entendrait ?

Son étoile était un jeune homme dont les ailes n'avaient pas de consistance, un jeune homme qui libérait une main-oiseau comme si elle pouvait s'envoler, avec une telle douceur que l'on eut pu croire qu'il craignait de froisser l'une de ses plumes.
Puis Mèces se leva et, tourné vers la jeune femme, il recula pas à pas. Il marcha vers le bord du toit, un gouffre qu'il ne pouvait voir car c'était elle qu'il regardait.
Il n'avait pas envie de la quitter, au fond. Pourtant, il avait décidé, décidé qu'elle valait bien assez pour qu'il mourût maintenant, sous ses yeux.

Mais elle valait bien davantage.

Il voulait qu'elle sût que c'était là un présent unique qu'il lui faisait et qu'elle ne devait pas s'en attrister, qu'au contraire elle devait être heureuse, heureuse pour lui aussi, heureuse qu'il ait dépassé son triste destin comme la fatalité de cette renaissance dont il ne voulait pas.
Cependant, il avait trop mal pour le lui dire. Il ne comprenait toujours pas d'où venait ce mal.

« Une vie maudite ? Elle m'a parue mille fois plus pure que celle de tant d'autres. J'aimerais qu'elle ne cesse pas d'être... »

Mèces reculait, léger, aérien. Il glissait inéluctablement, tel une plume libre dans les airs. De plus en plus vite. Ses cheveux volaient devant son visage, en direction de la jeune femme.
Il atteignit l'extrême bord du toit sans même le savoir. Son talon nu, cette fois-ci, n'eut pour s'appuyer que le vide.
Avec une suave lenteur, ses épaules, son corps commencèrent à basculer.

Ce fut à cet instant que Mèces vit, ou comprit quelque chose. Ses yeux s'écarquillèrent, ses lèvres s'entrouvrirent pour parler.

En bas, dans la ruelle, un loup battit des cils, une fois. Une unique larme déborda de son œil pour glisser dans sa fourrure.


Dernière édition par Mèces Linne le Sam 2 Jan - 20:32, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne]   La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne] Icon_minitimeJeu 24 Déc - 14:01

« Je ne prendrai jamais ton sang. J’en ai déjà trop volé. Je souhaite vivre, mais une vie pure vaut plus qu’une vie maudite. »

L’Ephémère prit alors doucement la main noire de Lluìev dans la sienne. La Nocsys ne réagit pas et se laissa faire, laissa ses doigts blancs se replier sur les siens, délicatement, scellant un pacte éternel. Il semblait avoir entendu ce qu’elle n’avait fait que penser, ou du moins croyait-elle n’avoir pas prononcé ces mots. Elle avait dû, portée par sa pensée, la laisser échapper en un murmure…

— Ma vie s’achève.

Les mots blessèrent son âme à vif. Comment pouvait se résoudre ainsi à la mort celui qui, quelques instants plus tôt, lui avait redonné la force de se battre ?
La main de Lluìev lovée au creux de la paume de l’Ephémère se serra. Si fort que la peau noire comme la cendre blanchit. Elle ne voulait pas qu’il parte. Ne voulait pas qu’il renonce comme elle avait été sur le point de le faire. Voulait se relever, le plaquer contre la cheminée et lui crier de se battre lui aussi.
Elle ne bougea pas d’un centimètre.
Une force implacable distillée par le Diürian lui-même la clouait au sol. Il lui apparut que lui seul était maître de sa vie, et qu’elle ne devait pas l’empêcher de choisir son chemin. Lui n’avait fait que la guider au loin.
L’Ephémère se leva, libérant sa main avec une extrême douceur, dans une promesse d’envol et d’espoir. Lluìev se laissa faire une fois de plus, le regard d’onyx rivé sur lui.
Au pied de la bâtisse sur laquelle ils avaient atterri, un loup hurla. Le cri déchira la nuit et résonna comme un glas dans l’esprit de la jeune femme, qui ne tourna cependant pas la tête et garda ses yeux fichés dans les iris de jade de l’Ephémère qui reculait, lentement, très lentement.

— Une vie maudite ? Elle m'a parue mille fois plus pure que celle de tant d'autres. J'aimerais qu'elle ne cesse pas d'être...

Il l’avait entendue. Et ses mots touchèrent son cœur en une douce caresse. Elle n’y croyait pas une seconde auparavant ; maintenant elle avait de l’espoir. L’espoir que son âme n’était peut-être pas entièrement souillée…
Mais elle avait mal au fur et à mesure que la distance les séparant s’agrandissait. Son visage se tordit en une expression de souffrance et de tristesse, ses lèvres s’entrouvrirent pour laisser échapper un cri muet. Et, alors qu’il allait arriver au bord du toit, leurs regards toujours liés, elle tendit le bras vers lui, et une larme roula sur sa joue.
Il atteignit le vide. Commença à tomber.
Dans un sursaut, Lluìev se redressa d’un bond. Elle fonça sur l’être qui basculait, les yeux maintenant écarquillés, semblant sur le point de prononcer d’ultimes paroles. L’une de ses mains était tendue vers elle, elle l’attrapa et la serra fort, très fort, tel l’oiseau dont on maintient les ailes. Mais la peau glissait, inéluctablement… Il fallait qu’il le veuille.
Elle planta son regard désespéré dans le sien, onyx et jade, tentant de retenir la main qui s’enfuyait.


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Mèces Linne

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MessageSujet: Re: La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne]   La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne] Icon_minitimeSam 2 Jan - 22:32

Alors que dans l'ocre sauvage de ses prunelles se dessinait à peine la silhouette du Diürian, à la frontière de l'horizon, le loup se redressa. Lentement, comme mû par une volonté inébranlable, il se ramassa sur lui-même, et ce faisant il cracha l'air humide et chaud de ses poumons. Il se tenait à une enjambée du mur, deux peut-être. Il bondit - tout d'un coup, telle une flèche jaillissant d'un arc bandé à l'extrême.
Gueule ouverte, il avalait l'air, l'avalait comme s'il fût assoiffé...
Sa langue rouge, ses crocs, ses oreilles plaquées en arrière, ses crocs encore, si blancs, si blancs...


A l'article de la mort, Mèces eut voulu encore pouvoir tout arrêter, réfléchir encore une dernière fois.
Les pupilles de l'Ephémère se dilatèrent, dévorant l'émeraude de ses yeux. Le monde fut parcouru d'un rai de lumière transcendant. Une seconde, voici ce qu'il lui restait. A moins que tout ne fût déjà terminé ?

La jeune Nocsys semblait avoir tout éprouvé, s'être endurcie à l'épreuve du feu à tel point qu'elle lui avait parue être en mesure de cacher tout ce qu'elle ressentait. Il avait eu peur de ne pas la comprendre. Pourtant, il avait cru y être parvenu. Ainsi s'était-il trompé ? Du moins était-ce ce que signifiait cette larme, la toute première cette nuit malgré tout ce qu'il s'était déjà produit. Peut-être même était-ce la première depuis bien plus longtemps encore.
Ce fut à cet instant que Mèces souhaitât parler.
Comment avait-il pu croire qu'en protégeant la jeune femme cette seule nuit, elle serait hors de danger, hors d'atteinte pour toujours ? Sûrement du fait de sa nature même d'Ephémère... Il était différent, très différent d'elle, trop peut-être.
Il n'avait pas su voir que sa vie à elle possédait passé, présent et futur.

En chacune des fibres du loup présidait l'essence la plus pure de la Nature, cet instinct sauvage qu'ils gardaient pour eux et eux seuls comme le plus précieux des trésors. En un bond, il atteignait le mur. Ses griffes rencontrèrent le lierre. Mais il n'interrompit pas son élan et se projeta avec fougue à la verticale. Vers l'Ephémère.
Et ces crocs, ces crocs étincelants...
Cette nuit-là, le loup était venu retrouver son maître. Une unique raison l'avait poussé à cela.
Il n'avait rien su de l'imminence de la mort de Mèces.
Il n'était pas venu pour préserver sa vie - le Diüran, il le savait, était bien trop fier pour accepter qu'on le protégeât.
Si ce n'était cela, qu'était-ce, alors ?

Mèces vit la jeune femme se projeter vers lui. En basculant, il voyait sa silhouette penchée sur le côté et, tandis qu'il s'éloignait, le visage de la jeune femme disparaissait peu à peu dans la noirceur. Subitement, alors qu'il la croyait encore loin, elle saisit sa main.
Elle serra aussi fort qu'elle le pouvait. Pourtant, Mèces chutait encore. Il sut qu'il devait choisir.
A cet instant, il eut terriblement peur de l'entraîner avec lui dans sa chute.

La créature sauvage arrachait sur son passage des décennies de lierre. A sa suite, les feuilles déchiquetées s'éparpillaient au gré du vent. D'un mouvement souple, le loup reprit appui une seconde fois sur le large rebord d'une fenêtre, pour se jeter encore vers le ciel.
Ce qu'il voulait, c'était planter son regard dans celui de son frère de meute. Pour la toute première fois. Il voulait le provoquer au cours d'un duel qui remettrait en question sa position, l'arracher aux étoiles pour l'envoyer bouler dans la poussière. Mael était Loup, jeune et fort. Il savait qu'il était temps pour lui de gravir cet unique échelon, de devenir le chef.

Il savait, ou plutôt le croyait-il, ignorant qu'il était de ce qu'aurait dû être sa vie s'il l'avait passée auprès de ses frères de sang. Mais ceci appartenait au passé, et désormais seul comptait le présent, abrupt et solitaire.


Mèces vit les yeux du loup.
Alors, il tourna violemment la tête, et son regard retrouva celui-ci de la jeune femme. Une sensation sécurisante de chaleur enveloppa son cœur. A son tour, il referma sa main sur la sienne.
Ce fut comme s'il repliait les ailes d'ange qui lui étaient poussées. Il ne partirait pas, pas encore.
Prenant appui, elle le tira vers le toit. La poitrine de Mèces heurta le rebord des tuiles. Ce fut grâce à l'aide de la jeune Nocsys, et à la force de son bras libre, qu'il parvint à hisser son corps svelte.
Haletant, il se tenait à quatre pattes, encore placé à l'extrême bordure comme si le danger demeurait, comme si la mort n'avait pas encore renoncé. Pourtant, la Faucheuse devrait admettre qu'elle avait bel et bien perdu, face à la force d'une mince jeune femme à laquelle la Lune semblait avoir prêté sa force.

C'est alors que le loup jaillit, à dix pas de la Nocsys et du Diürian, avant de déraper sur l'argile brique. Un grand calme se lisait au fond de ses yeux brillants.

Mèces se releva, s'offrant le luxe d'ignorer encore un peu la majestueuse créature. Il fixait la jeune Nocsys. Il crut qu'il ne dirait rien, mais les mots naquirent malgré lui.

« Tu as souhaité me donner encore du temps. Ce temps, je te l'offre. »

Un sourire indéchiffrable effleura ses lèvres. Il fit volte-face vers le loup. Mais il venait de murmurer encore un dernier mot. « Merci. »

Le regard de Mael transperça les yeux d'émeraude, qui paraissaient si fragiles. Mais il n'en était rien, leur faiblesse n'était qu'apparence.
Mèces avait vu grandir cette créature, tout en sachant qu'elle resterait à jamais libre et sauvage.

« Il s'appelle Mael. »

Il offrait à la Nocsys un premier nom et lui apprenait que ce loup était sien.

« J'ai l'impression, quand je vous vois si proches, que c'est son sang qui coule dans tes veines. »


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Lluìev Khridd

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Lluìev serrait du plus fort qu’elle pouvait la main de l’être ailé, les talons plantés dans le rebord du toit, quand elle vit la forme noire au pied du mur. Elle la vit se ramasser sur elle-même, et bondir vers le ciel, rayonnant d’une sauvage puissance. Elle tira.
Elle hissa le Diürian sur le toit, l’arrachant à l’attraction du sol et au regard jaune du loup. Leurs bandages à tous les deux restèrent intacts, à son grand soulagement.

Alors Lluìev se surprit à sourire. Ce n’était que l’ombre d’un sourire, certes, fente noire noyée dans l’obscurité d’un visage, mais c’était un sourire sincère, empli de joie. Et de gratitude. Elle remerciait l’Éphémère de lui accorder le droit d’influer sur sa vie, de le faire renoncer à la mort même ; elle avait eu le pouvoir de modifier une infime partie du monde, et ce savoir la grandissait. Elle n’avait fait que subir toute sa vie – elle comprenait maintenant que cela pouvait changer. C’était un sentiment exaltant. Et cette esquisse de sourire en était la seule preuve visible.

L’animal surgit à leurs côtés. La Nocsys s’y était préparée et se tenait prête, les mains sur ses kunaïs, si jamais la bête se montrait agressive.

– Tu as souhaité me donner encore du temps. Ce temps, je te l'offre.

Ces paroles prononcées par le Diürian relâchèrent son attention. Il semblait ne pas s’inquiéter de la présence du loup, et elle choisit de lui faire confiance. Elle se tourna vers lui, plantant ses yeux dans les siens.

Pas un son ne perça la fente close de ses lèvres ; son regard seul exprima toute sa profonde gratitude.

– Merci.

L’ultime mot fit écho à son silence, et enveloppa son cœur d’une douce chaleur. Elle resta un instant là, le regard vague, savourant la sensation. À quand remontait la dernière fois où elle avait pu recueillir un tel remerciement ? Elle ne le savait pas.

Passé cet infime instant de tristesse qu’elle refoula aussitôt, elle reporta son attention sur les deux êtres face à elle. L’on pouvait presque sentir le lien qui les unissait.

– Il s’appelle Mael.

Lluìev s’approcha du loup. Son souffle chaud formait des volutes de brume dans l’air frais de la nuit, ses yeux scintillaient, deux billes d’or d’où émanait une assurance inébranlable. Elle s’accroupit face à lui, un genou sur les tuiles, les mains à terre. Elle était ainsi son égale, et pouvait ficher son regard dans le sien. Le temps sembla se figer à la rencontre des deux enfants de la Lune.

– J'ai l'impression, quand je vous vois si proches, que c'est son sang qui coule dans tes veines.

Lluìev avait aussi cette impression.


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MessageSujet: Re: La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne]   La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne] Icon_minitimeVen 26 Fév - 18:17

Droit, splendide, l'Ephémère consumait sa vie dans la claire pénombre nocturne. L'espace d'un souffle, face aux deux êtres dont la liberté n'avait d'égal que la grâce, Mèces clôt les paupières. Il se délectait du silence que seuls froissaient les trois souffles. Et, ainsi, il percevait à la perfection le frémissement des briques froides sous ses pieds nus, la vibration de la Terre, la vie entrelacée de la Cité sous son corps si léger.
Encore, dans le creux de ses mains, il ressentait la force de l'étreinte des mains de la jeune femme. Quant à cette sensation bienveillante qu'abritait son cœur, c'était la chaleur du sourire qui avait effleuré les lèvres de la Nocsys. De par sa rareté même, ce sourire précieux était infiniment signifiant pour Mèces qui était si sensible à celles de ces expressions que l'on adopte quand l'âme vient effleurer le visage.
Lorsque la jeune femme se tourna vers lui, dédaignant sciemment la présence du loup, l'Ephémère perçut la confiance qu'elle plaçait en ses gestes. Plus encore que de la confiance, son regard d'onyx semblait chargé de gratitude.

Devinait-elle ce qu'était Mael pour l'Ephémère ? Il était son ombre, sa seule ombre, fière et sauvage, sans cesse en vadrouille. Ainsi Mèces vivait-il bien souvent seul, privé de cette entité dont l'on peut se passer, mais dont la présence, tout inquiétante qu'elle soit, rassure tant.
Mael, indépendant, altier, aux crocs qui avaient tant de fois déchiré la chair palpitante.
Mael empli de la profonde certitude que, cette nuit-même, il atteindrait le sommet, deviendrait son propre dieu.
Mael, dont le souffle brûlant allait déposer mille gouttelettes invisibles de brume sur le visage de la jeune Khridd.
Et ses crocs de luire dans sa gueule entrouverte comme autant de poignards.
Le loup reçut le regard de la Nocsys sans broncher.

" Ennemie, rivale, sœur ? Celle qui se trouve avec celui qui ne daigne pas croiser mon regard. "

Pas à pas, droit vers la jeune femme, le loup s'avançait. L'on n'entendait que le frottement léger de sa fourrure. Puis, une fois devant elle, avec une infinie délicatesse et une précision à nulle autre pareille, le loup effleura son nez du sien, de sa truffe noire légèrement humide. Son regard ne se détachait pas de celui de la jeune femme. Savait-elle ce que cela signifiait ? Sûrement... N'était-ce elle, après tout, qui l'avait de la sorte défié ?

" Tombe. "

D'un pas, Mael recula, avant de relever la tête, de la dresser vers la voûte céleste, vierge de toute lumière. Il hurla. Et son cri heurta le silence, le creva, le déchira jusqu'à ce que ce dernier aille se tapir en tremblant dans les pauvres recoins de la ville qu'épargnait le chant du loup.

" Tombe. Sur le dos, vulnérable, ta gorge à mes crocs offerte. Tombe."

Il eut aussi bien pu considérer qu'elle fût son égale - égale face à la domination du maître aux ailes d'émeraude. Mais pas ce soir, pas cette nuit-là. Il voulait vaincre et vaincrait.

Lorsque le hurlement naquit, Mèces s'élança. Il avait compris la nature du présent que le loup avait fait à la jeune femme : il l'avait acceptée comme étant l'un des siens. Et par-là même, il avait pressenti l'ardente intention de la créature des bois. Il connaissait les loups, et celui-là plus encore. Il savait combien ils surestimaient la peau nue des Hommes, et comme leurs crocs, même joueurs, la déchiraient.
Pourtant, Mèces se trompait. Mael n'avait pas l'intention de se battre avec la jeune femme, nulle volonté de la contraindre. Était-ce la peur qui l'induisait en erreur ? Peut-être. En effet, il craignait que la jeune femme, blessée déjà, ne souffrît encore.

C'est pour cette raison même que son genou vint heurter l'argile du toit. Pour cela qu'à son tour, Mèces fixa les prunelles lumineuses du loup. Il accepta la guerre, et qu'importait le prix.
Ainsi se trouvait-il juste à côté de la jeune femme, sans pouvoir la regarder pourtant. Mael lui volait ce droit.

Et dans les yeux du loup, l'Ephémère vit son propre visage, sa pâleur presque translucide...

« Non... » Ce ne fut rien de plus qu'un murmure.


Dernière édition par Mèces Linne le Lun 26 Avr - 18:36, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne]   La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne] Icon_minitimeDim 4 Avr - 13:31

Lluìev ne put s’empêcher d’esquisser un mouvement de recul quand le loup s’avança vers elle ; mais elle se reprit bien vite, tellement le lien qui unissait leurs regards était puissant, tellement elle se sentait proche de la créature. Et Mael lui fit un véritable don.
Sa truffe effleura son nez, lui témoignant tout le respect qu’il pouvait apporter, la marquant, lui semblait-il, comme son égale. Elle frissonna au contact de la peau glacée et humide, mais ne rompit pas le contact. Ce fut lui qui le rompit.
Il leva la tête vers le ciel de nuit d’Adalêgmor et hurla. Sa voix frappa, transperça, poignarda, écrasa le silence, ce silence que Lluìev aimait tant, qui l’enveloppait toujours, la protégeait et l’apaisait. Il déchira la seule armure qu’elle possédait et put atteindre son âme, mise à nu et vulnérable. Il toucha quelque chose et l’éveilla.
À ce moment précis le genou de l'Ephémère percuta les tuiles sombres du toit. À ce moment précis, une douleur aiguë perfora la tête de Lluìev, qui frissonna mais tint bon. Elle devait tenir bon. Ne pas céder à la peur de ce qui risquait de la submerger bientôt. Elle ne comprenait pas, mais tenait bon. Pour l'instant.

Le hurlement du loup s'estompa. Et dans un souffle infime, un mot s'échappa des lèvres du Diürian :

"Non..."

La Nocsys, alarmée, tourna la tête vers lui, son regard noir traduisant son angoisse, autant pour elle que pour l'être agenouillé à ses côtés, l'être blafard dont le regard se voilait. Elle ne put rien faire de plus.
En une fraction de seconde, le mal qu'elle retenait au fond de son âme maudite emplit tout son corps.

Elle hurla.

Elle fut projetée à terre. Son dos s'arqua sous de violentes convulsions, ses ongles crissèrent sur l'ardoise noire, sa bouche se tordit en un rictus de souffrance.
Tandis que sa peau, lentement, s'éclaircissait...

La transformation s’opéra en quelques secondes.
Elle se redressa, accroupie, une main sur le sol. Louve blanche sur fond noir. Yeux vairons braqués sur la scène qui se déroula devant elle.
Le loup au pelage d’ombre se jeta sur l’être fragile qui se tenait face à lui, les babines retroussées sur deux paires de crocs acérés, un grognement sauvage montant de sa gorge. Lluìev ne comprenait rien, que ce soit le sursaut de malédiction qui l’avait frappée ou la raison de l’attaque de l’animal.
Seulement, elle ressentait deux choses.
La soif de sang qui la tenaillait, la douleur pulsant dans ses veines comme elle ne l’avait jamais été.
L’amitié qu’elle portait à l’Éphémère, en cet instant en danger de mort.
Cela suffit pour qu’elle bondisse sur le loup sans plus réfléchir, tirant ses kunaïs de leurs étuis, en poussant un hurlement.
La louve attaquait.
Les deux corps roulèrent sur le toit, entremêlement de membres blancs et noirs et de grognements. Lluìev n’était mue que par l’odeur du sang et le désir de mettre la bête hors d’état de nuire. À maintes reprises les crocs destructeurs déchirèrent sa peau, mais elle ne faiblissait pas, et ses lames tranchaient la chair, et le sang coulait, et sa force en était doublée. Le combat fut rude pourtant. Elle en réchappa de peu.
Elle parvint à percer une artère près du cou de l’animal. Le sang gicla, la bête s’écroula.
Elle se releva, essoufflée, sa peau blanche maculée de vermeil. Elle était gravement blessée, à la hanche, à la cuisse ; la plaie de son épaule s’était rouverte. Cependant rien n’égalait sa soif.
Dans un ultime sursaut d’énergie, elle se jeta sauvagement sur le cadavre, et but son sang à grandes lampées. La souffrance refluait petit à petit, jusqu’à n’être plus que douleur sourde bien inférieure à celles émanant de ses nombreuses blessures. Se sentant mieux malgré l’état dans lequel elle était, elle s’assit sur les tuiles d’ardoise, reprenant son souffle.

À cet instant, en une fraction de seconde, le mal qui l’avait habitée le temps de l’affrontement avec le loup l’abandonna, lui arrachant un hurlement de souffrance.

La Nocsys, redevenue noire comme la nuit, s’effondra, cruellement affaiblie.
Son regard se posa alors sur l’Éphémère. Elle se traîna vers lui.
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MessageSujet: Re: La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne]   La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne] Icon_minitimeMar 11 Mai - 15:08

[ J'ai préféré opter pour un texte plus poétique, étant donné que... *hum*. J'espère qu'il te plaira, que tu saisiras pleinement son sens (sinon harponne-moi demain matin ou dès que tu le pourras), et enfin, j'espère qu'il aura l'effet escompté. ]



« Non... »

A peine ce souffle naquit-il qu'il s'évanouit. En cet instant, personne n'eut pu déjà présumer de son incidence fatale. Nul ne soupçonnait combien était opaque le cortège de noirceur qui suivait ce simple mot.
A sa suite, la bise glacée effleura les lèvres rosées, closes désormais, du Diürian opalescent.
Ce furent de deux étoiles, paradoxalement si pleines de vie, l'une noire et l'autre laiteuse, deux cristaux jumeaux au tracé souligné par de noires paupières, que jaillit en premier la peur.
Le regard de l'Éphémère se riva à celui de la Khridd.
Lui n'avait pas peur, plus peur. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il devait agir, maintenant, et seule une question l'habitait : la blesserait-il ?
... S'était vraiment libéré de toute peur, finalement ?
Il avait parcouru le monde, les mondes, dans le but avoué de rencontrer celui ou celle qui le verrait mourir. Il voulait que deux yeux pleins de vie reçoivent le présent unique de contempler l'ultime mort d'un Ephémère. Fut-ce une volonté égoïste de sa part ? Il n'était plus sûr de rien.
Mais il ne pouvait renoncer, qu'elle qu'en fût la réponse. Alors, son esprit s'ingéniant follement à trouver une réponse, il dût accepter le fait de blesser la Khridd. Mais il atténuerait sa peine. L'atténuerait.
Il faillit parler.
"Qui sait si ma vie n'était frappée dès l'aurore même d'une malédiction semblable à la tienne..." Mais ces mots moururent dans sa gorge sèche.
Car le Mal était en elle déjà, présent, affamé, il le savait.
Et, sous le regard vacillant de Mèces, ce Mal suintait pour ruisseler sur le corps meurtri de la Khridd - connaîtrait-il jamais son nom ? - qui devint Louve Blanche. Ce fut comme si ce qu'elle était au plus profond d'elle-même avait rejailli à l'extérieur de son être, à savoir une stupéfiante beauté. Sublime. Inaccessible.
Subitement, le regard de l'Ephémère fut arraché, bousculé. Tel une poupée de plumes, Mèces chuta sur les tuiles vermoulues, les crocs du grand loup fauve tout contre sa gorge tendue. Cependant Mael, quoi qu'il ait eu l'intention de faire, n'en eut pas le temps, car la Louve fusait vers lui, et les pointes d'aciers garnissant ses mains labourèrent sa chair.

Pour l'Ephémère, le temps s'écoulait infiniment lentement. Des tréfonds de ses souvenirs ressurgissait une petite mélodie au piano, légère, liquide.
Sa peau, luminescente, remplaçait un astre lunaire inexistant. Une enveloppe-étoile qui retenait tant bien que mal une âme prisonnière.

Les deux corps enlacés, paraissaient s'aimer, exaltés, enragés. Sur leur peau, leurs poils, leurs cheveux, leurs crocs, ruisselait la lumière funèbre de l'Ephémère étendu.
Mus par le seul désir de tuer, sentaient-ils encore seulement le sang s'écouler de leur corps déchirés ?
Jusqu'à ce que la fontaine de la vie éclatât, que la veine du loup saillît, projetant des éclaboussures, noires dans la nuit noire.
Et la Louve Blanche de s'abreuver à la source même de la mort.
Peu à peu, la poitrine de l'Ephémère avait cessé de s'élever, de s'abaisser. Ses yeux rivés au loup ne semblaient plus rien distinguer, vaporeux, voilés. Une larme roula sur sa joue creuse. Mael ? « Mael ? » Pourquoi ?

Pourquoi ?

Pourquoi ?

Pourquoi ?

Pourquoi ?

Pourquoi ?

Pourquoi ?

















Un ultime sursaut de vie.
Rêvait-il ?
Allongé, il la voyait ramper vers lui. Si sombre, si affaiblie, fragile comme si la bise pouvait d'un souffle indifférent souffler à jamais la flamme de sa vie.
Il déploya son bras qui vint s'étendre sur les tuiles, vulnérable. Sa main ouverte espérait-elle celle de la Khridd ?

La pardonnait-il ? La remerciait-il ?
Ou bien la repoussait-il ?

Ses lèvres s'entrouvrirent. Il voulut parler. Ses yeux exprimaient une infinie détresse.
Vite.
Donne-le moi. Vite. Vite, ou tout recommencera.
Alors, il le sentit dans sa paume ouverte. Le kunaï.
Rêvait-il ?
Il rabattit son poing fermé sur sa poitrine. Et son cœur cessa de battre.
Au coin de ses lèvres entrouvertes s'épanouissait une fleur aux pétales d'émeraude.
Il avait voulu parler.
Il n'en avait pas eu le temps.



Son nom avait été Mèces.
Et Lluìev ne le saurait jamais.

La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne] Blood2f

[Mèces ne ressuscitera pas, la mort n'ayant pu se saisir seule de lui.]
Fin de tous Rps, à jamais, pour Mèces
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MessageSujet: Re: La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne]   La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire, caresse immatérielle... [Pv : Mèces Linne] Icon_minitime

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